Bouclée comme une sarrasine, son corps sec et noir est tout en nerf et semble témoigner de ce qu'Ania est née pour et par le désert. A quatorze ans révolus, la jeune fille a conservé sa gouaille d'enfant, et semble perdue entre les deux mondes qui communiquent en elle, hésitant sans cesse entre mélancolie et naïveté. Il est rare de trouver un être qui soit aussi présent au monde tout en y étant étranger. Gamine à la sensualité extrême, elle est la sensibilité vivante, et connaît par les sens.

Ani est animale. Son flanc peureux est maigre et ses jambes ont la force et la sûreté des pattes d'une chèvre du désert. Elle ne supporte pas l'entrave, et ne craint pas le loup, toute entière dans le présent.

Ania aime les breloques. Comme la pie, elle cherche ce qui brille. Elle possède quantité de bijoux sans grande valeur, mais chatoyants et clinquants ; percée trois fois à l'arcade sourcilière droite, un fois dans la narine gauche, plusieurs fois dans chaque oreille, ses boucles tintinnabulent, ses colliers tressautent et ses bracelets s'entrechoquent, si bien que lorsqu'elle se déplace, c'est toute un orchestre qui rythme ses pas. Raisonnablement douée en dessin, la jeune fille aime à recouvrir ses mains et avant-bras de dessins géométriques au henné.

Elle voyage voilée sous un monceau de tissus bariolés, et rares sont les étrangers qui peuvent prétendre à voir son visage, qui est un secret qu'elle garde pour les dunes. Seuls ses yeux apparaissent au milieu des étoles, et ils scrutent le monde en semblant y voir tout autre chose que ce qui est.

Ania est une enfant Zerë't, orpheline de mère à sa naissance. Elle a été élevée par toutes les femmes du groupe, et bien vite estimée par la Mère du clan grâce à son And'Ära ; peu disciplinée et paresseuse, Ania ne remplit pas son rôle de fille en échappant dès que possible aux corvées quotidiennes ; son esprit aventureux et sa soif de liberté lui font détester même le plus léger carcan de règles, et, souvent, on la voit quitter le campement de tentes pour parcourir le désert le temps d'une après-midi, d'une nuit. Son père, aveugle, l'aime profondément même si elle se soustrait toujours à ses devoirs. C'est à cause de lui qu'elle décida de porter le voile, considérant que c'est une grande injustice que le plus parfait inconnu puisse avoir accès à la vision de son visage, alors que son propre père ne le connaît pas.
Douée d'une sensibilité hors-norme et semblant vivre dans une autre temporalité que ses confrères, Ania reste une fille étrange. La Mère du clan, guide spirituel du groupe, s'intéresse de très près à elle et commença à lui enseigner les rudiments de son rôle, ainsi que des bribes de connaissances sur l'art de guérison. Si cet enseignement est libre et l'élève étonnamment assidue, il est dur de mesurer ses progrès. Enfermée dans un silence pesant dès qu'elle est au côté de cette femme impressionnante, Ania écoute, mais ne répond pas. Peut-être a-t-elle peur.
Des responsabilités. De la frustration. De l'emprisonnement.

Elle est l'essence de la liberté.

L'occasion de changer son destin survint dans le désert, son seul véritable amour. Alors qu'elle a quatorze ans bien révolus, lors d'un périple à travers le grand océan de sable, une tempête de sable survient ; Ania qui s'est éloignée une nouvelle fois de la caravane, profitant de sa solitaire liberté, est séparée de sa famille. Prise dans les affres du vent et du sable, elle sait s'en protéger, en véritable nomade, et passe de longues heures à rire dans la tourmente, grisée par le déchaînement des éléments. Lorsque la fureur des dieux s'est enfin calmée, découvrant la mer infinie de dunes, l'adolescente cherche d'abord à retrouver son clan. Elle marche plusieurs nuits de suite, se guidant aux étoiles comme elle voyait faire le Père du clan ; mais un matin à l'horizon, elle voit briller des lumières au nord – les lumières d'une ville. Curieuse, Ania se remet en route dans cette direction, avide de découvrir le monde des ghildes et des castes, autant que de quitter le cocon dans lequel elle avait grandi et auquel elle était promise.

Son futur était autrefois inscrit dans le sable, et la tempête l'a effacé.

Malhala est un dromadaire très docile, limité d'esprit et peu affectueux. Sa fourrure pèle sur sa bosse, mais il est toujours vaillant et fort ; compagnon d'Ania depuis ses quatre ans, elle l'a élevé et dressé, et n'est plus montée sur un autre animal pour voyager depuis.
Sans grande personnalité, il brait souvent mais ne rechigne pas à la tâche, suivant sa petite maîtresse dans tous ses voyages. Il ne sent pas bon. Malhala aime manger et boire, se reposer au soleil et faire des ronds avec son cou ; il a une fâcheuse tendance à mordre les gens et les autres animaux.